« ๐๐๐ง๐ ๐๐๐ » : ๐ช๐ฎ๐๐ง๐ ๐ฅ๐ ๐ซ๐ฎ๐ฆ๐๐ฎ๐ซ ๐๐ฎ ๐ฆ๐จ๐ง๐๐ ๐๐จ๐ ๐ง๐ ๐๐ฎ๐ฑ ๐ฏ๐ข๐ญ๐ซ๐๐ฌ
Par Fouad El Mazouni
๐๐ ๐๐ข๐ฅ๐ฆ ๐๐จ๐ฆ๐ฆ๐๐ง๐๐ ๐ฉ๐๐ซ ๐ฅ’๐จ๐ฎ๐ญ๐ข๐ฅ : Discord. Jadis salon pour gamers, le voilà pupitre d’une génération. Le Monde (édition internationale) décrit comment, de #Rabat à Katmandou, la plate-forme s’est muée en agora de coordination, votes, consignes, avec un serveur marocain baptisé « GENZ 212 GROUP Facebook » grossissant à vue humaine. Ce détail technique dit l’essentiel : le mouvement n’a pas besoin de mégaphone politique, il a un tableau de bord. Les adultes appellent cela « logistique » ; les jeunes, « serveur ». La nuance n’est pas innocente.
๐๐ ๐ฌ๐๐ฬ๐ง๐ ๐ฌ๐ฎ๐ข๐ฏ๐๐ง๐ญ๐ ๐๐๐๐ซ๐ ๐ฅ๐ ๐ฆ๐๐ญ๐ข๐ฬ๐ซ๐ ๐ข๐ง๐๐ฅ๐๐ฆ๐ฆ๐๐๐ฅ๐ : santé, éducation, cherté de la vie, et l’arrière-plan du Mondial 2030. L’Associated Press résume avec la froideur de l’agence : « des foules jeunes, des slogans clairs, une colère devant l’argent pour les stades quand l’hôpital manque de tout ». Les images, une pancarte « Dignité avant les stades », tournent sur les desk monde, ce qui, dans le lexique contemporain, s’appelle une « preuve par photo-légende ».
๐๐ ๐๐ก๐ซ๐จ๐ง๐จ๐ฅ๐จ๐ ๐ข๐, ๐๐ฅ๐ฅ๐, ๐ง’๐ ๐ซ๐ข๐๐ง ๐’๐ฎ๐ง ๐๐๐ฉ๐ซ๐ข๐๐ : France 24 compte huit soirées consécutives de rassemblements, maillage large, mots d’ordre constants (non-violence, services publics, redevabilité). On se croirait à une veillée laïque où l’on récite des articles de Constitution et des chiffres de mortalité maternelle. Pas le romantisme révolutionnaire : l’âpreté du réel.
๐๐ ๐ฉ๐ซ๐๐ฌ๐ฌ๐ ๐๐ซ๐๐ง๐ฬง๐๐ข๐ฌ๐ ๐๐ฬ๐ฏ๐๐ฅ๐จ๐ฉ๐ฉ๐ ๐๐๐ฎ๐ฑ ๐๐จ๐ซ๐๐๐ฌ, l’une factuelle, l’autre inquiète. Dans Le Monde, un papier « Afrique » parle d’une « fronde » éprouvant le gouvernement, bilan humain, scènes d’affrontement, et surtout ce que les journaux aiment nommer « tournant » : la lettre adressée au Roi, demandant dissolution et réorientation des priorités. Même quotidien, autre registre : une tribune replace l’étincelle. Ces décès de femmes en couches à Agadir, drame-symptôme, au cœur d’une indignation qui n’a rien d’idéologique. Le récit tient debout : c’est l’État social, pas l’étendard, qui focalise.
๐๐ฎ๐ญ๐ซ๐-๐๐ญ๐ฅ๐๐ง๐ญ๐ข๐ช๐ฎ๐, ๐๐๐ฐ๐ฌ๐ฐ๐๐๐ค ๐ฆ๐๐ญ ๐๐ง ๐๐ฑ๐๐ซ๐ ๐ฎ๐ ๐ฅ’๐จ๐ซ๐ข๐ ๐ข๐ง๐๐ฅ๐ข๐ญ๐ฬ ๐๐ ๐ฅ’๐ข๐ง๐ฌ๐ญ๐ซ๐ฎ๐ฆ๐๐ง๐ญ : Discord, toujours, et la porosité internationale de la protestation « Gen Z ». PBS enfonce le clou : l’angle « dépenses de prestige versus hôpitaux » est photogénique et moralement lisible ; il explique la vitesse de propagation médiatique. La télévision aime les contrastes tranchés. Ici, elle est servie.
๐’๐๐ง๐ ๐ฅ๐๐ข๐ฌ ๐ ๐๐ซ๐๐ ๐ฅ๐ ๐๐ฅ๐๐ ๐ฆ๐ ; le norvégien et le suédois s’autorisent l’emphase panoramique. VG parle d’une vague planétaire où #Marokko, #Madagascar, #Népal se répondent ; Omni compte les nuits, les morts, les griefs, et l’obsession du Mondial. On peut sourire du ton généraliste, mais la cartographie a du bon : elle rappelle que la sociologie de cette colère n’est pas exotique. C’est la grammaire d’une jeunesse connectée, pauvre en garanties, riche en bande passante.
๐๐ ๐ ๐ซ๐๐ง๐ ๐ช๐ฎ๐จ๐ญ๐ข๐๐ข๐๐ง ๐๐ซ๐ข๐ญ๐๐ง๐ง๐ข๐ช๐ฎ๐ ๐ง๐ ๐ฌ’๐ฬ๐ญ๐๐ซ๐ง๐ข๐ฌ๐ ๐ฉ๐๐ฌ : dépêche AP publiée par The Guardian, bilan provisoire, images de casse sporadique, autant dire la routine du « breaking ». Reuters, de son côté, ajoute la voix de l’Intérieur : blessés chez les forces de sécurité, dégradations, arrestations. L’agenda médiatique, on le connaît : compter les vitres brisées avant de compter les raisons. Mais ce contre-champ est utile : il rappelle que l’État parle, lui aussi, et qu’il revendique la « retenue ». À chacun ses verbes.
๐’๐๐ฌ๐ฉ๐๐ ๐ง๐จ๐ฅ ๐๐ฅ ๐๐๐ขฬ๐ฌ, ๐ญ๐จ๐ฎ๐ฃ๐จ๐ฎ๐ซ๐ฌ ๐๐ญ๐ญ๐๐ง๐ญ๐ข๐ ๐๐ฎ ๐ฏ๐จ๐ข๐ฌ๐ข๐ง ๐’๐๐ง ๐๐๐๐, s’attarde sur la blessure morale : la série de décès à Agadir, imputés à l’état dégradé du matériel, a servi de sismographe. Ce n’est pas l’idéologie qui a fait sortir les foules ; c’est la médecine. Dans les rues, on n’a pas brandi le lexique des partis, on a compté les poches de sang. La politique y gagne une crudité qui gêne les orateurs professionnels : le débat public devient logistique sanitaire.
๐๐๐ง๐ฌ ๐ฅ’๐๐ข๐ซ๐ ๐๐ซ๐๐๐, ๐๐ฅ ๐๐๐ณ๐๐๐ซ๐ ๐๐๐ข๐ญ ๐๐ ๐ช๐ฎ๐ ๐๐จ๐ข๐ญ ๐๐๐ข๐ซ๐ ๐ฎ๐ง๐ ๐๐ก๐๐ขฬ๐ง๐ ๐ช๐ฎ๐ข ๐๐จ๐ฎ๐ฏ๐ซ๐ ๐ฅ’๐๐๐ญ๐ฎ๐๐ฅ๐ข๐ญ๐ฬ ๐๐ก๐๐ฎ๐๐ : vision large des villes touchées, rappel des consignes de non-violence publiées par les organisateurs, mention de débordements isolés… et retour, encore, au contraste hôpitaux/stades. C’est l’ossature commune de tous les papiers sérieux. On peut contester la focale, difficile d’en nier la cohérence.
๐๐ ๐๐ก๐๐ฉ๐ข๐ญ๐ซ๐ « ๐๐ซ๐จ๐ข๐ญ๐ฌ ๐ก๐ฎ๐ฆ๐๐ข๐ง๐ฌ » ๐๐ซ๐ซ๐ข๐ฏ๐ ๐ฏ๐ข๐ญ๐. Amnesty International exige enquêtes et retenue, vidéos à l’appui, alertant sur arrestations massives et violences. Point d’orgue pour cimenter l’attention des rédactions à New York, Paris, Londres. Quand Amnesty nomme, les titres suivent ; c’est l’un des rares réflexes journalistiques encore vertueux. Le droit, ici, crée l’actualité autant qu’il la décrit.
๐ฬ ๐๐ ๐ฌ๐ญ๐๐๐, ๐ฎ๐ง ๐ฅ๐๐๐ญ๐๐ฎ๐ซ ๐ฉ๐ซ๐๐ฌ๐ฌ๐ฬ ๐ฉ๐จ๐ฎ๐ซ๐ซ๐๐ข๐ญ ๐๐ซ๐จ๐ข๐ซ๐ ๐ฬ ๐ฎ๐ง ๐๐จ๐ง๐ญ๐ ๐ฆ๐จ๐ซ๐๐ฅ : de jeunes justes, un État sourd, des ONG vigilantes. La presse marocaine anglophone, #Morocco World News, notamment, nuance ce manichéisme sans l’abolir : elle relaie les mêmes vidéos, les mêmes mots d’ordre, mais dans un lexique moins romantique, plus procédural : « enquêtes », « cadre légal », « dialogue ». Ce n’est pas un détail ; c’est une manière de rappeler que l’État de droit n’est pas une banderole mais une procédure.
๐๐๐ฌ๐ญ๐ ๐ฅ๐ ๐ช๐ฎ๐๐ฌ๐ญ๐ข๐จ๐ง ๐ช๐ฎ๐ข ๐๐ฬ๐๐ก๐ ! ๐๐ฅ๐ฅ๐ ๐๐ฌ๐ญ ๐ฉ๐จ๐ฌ๐ฬ๐ ๐ฉ๐๐ซ๐ญ๐จ๐ฎ๐ญ, ๐ฒ ๐๐จ๐ฆ๐ฉ๐ซ๐ข๐ฌ ๐๐๐ง๐ฌ ๐ง๐จ๐ฌ ๐๐จ๐ขฬ๐ญ๐๐ฌ ๐ฆ๐๐ข๐ฅ : pourquoi cet intérêt immédiat pour GENZ212, alors que d’autres colères (Gilets jaunes, antan ; Madagascar, hier) ont mis des semaines à trouer le plafond ? La réponse tient en quatre clous.
๐๐ซ๐๐ฆ๐ข๐๐ซ ๐๐ฅ๐จ๐ฎ : ๐ฅ๐ ๐ฅ๐ข๐ฌ๐ข๐๐ข๐ฅ๐ข๐ญ๐ฬ. Un récit médiatique a besoin d’un « pitch ». Ici, il est imparable : « la mère qui meurt pendant que le stade pousse ». La pancarte s’écrit toute seule. À l’ère de l’algorithme, la hiérarchie de l’info est une hiérarchie d’images.
๐๐๐ฎ๐ฑ๐ข๐ฬ๐ฆ๐ ๐๐ฅ๐จ๐ฎ : la donnée. Discord, polls, captures d’écran, fils traduits en anglais : le mouvement produit sa propre matière première. Les desks n’ont pas à mendier des témoins ; ils les scrollent. Le délai médiatique s’effondre quand la source fabrique des preuves partageables.
๐๐ซ๐จ๐ข๐ฌ๐ข๐ฬ๐ฆ๐ ๐๐ฅ๐จ๐ฎ : la portée. Les grands médias mondiaux surveillent depuis des mois une vague Gen Z transnationale : Kenya, Indonésie, Népal, Madagascar. Quand le #Maroc entre en scène avec la même grammaire, il n’est pas un sujet ; il devient un épisode. Or un épisode s’intègre dans un format déjà prêt. Cela accélère tout.
๐๐ฎ๐๐ญ๐ซ๐ข๐ฬ๐ฆ๐ ๐๐ฅ๐จ๐ฎ : la norme. Depuis 2020, les rédactions ont industrialisé le « breaking visuel » (vérification à distance, OSINT, syndication rapide). Les Gilets jaunes, au début, n’avaient ni la grammaire Discord ni cette chaîne de montage. GENZ212 arrive au bon moment technologique. PBS l’explicite, Reuters le formalise à sa manière : nombre de blessés, villes touchées, lexique de l’Intérieur. Nous ne sommes pas plus sensibles qu’hier ; nous sommes plus équipés.
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๐๐ฎ๐ญ-๐ข๐ฅ ๐ฒ ๐ฏ๐จ๐ข๐ซ ๐ฅ๐ ๐ฆ๐๐ข๐ง๐ฆ๐ข๐ฌ๐ ๐’๐ฎ๐ง ๐๐๐๐ข๐๐๐ง๐ญ ๐ฆ๐๐ฅ๐ฏ๐๐ข๐ฅ๐ฅ๐๐ง๐ญ ? La tentation complotiste flatte l’esprit comme un dessert trop sucré. Les sources citées plus haut, y compris arabes, décrivent une colère domestique : prix, hôpital, école, corruption, dignité. Les ONG font ce qu’elles font partout : documenter, réclamer, publier. S’il existe des manipulations étrangères, elles laissent peu de traces publiques à l’heure où j’écris ; l’explication parcimonieuse demeure marocaine. On peut préférer les intrigues ; elles sont moins éprouvantes que la réforme d’un service d’obstétrique.
Un mot, tout de même, sur la responsabilité de chacun, ce que la presse dit à demi et que l’on peut écrire tout net. Aux organisateurs : tenir la promesse non violente jusqu’au bout, parce que toute casse, fût-elle marginale, offre un parapluie rhétorique à la matraque et détourne l’attention des morts silencieux des maternités. Aux autorités : substituer au réflexe de dispersion celui de l’audit visible, publier, chaque semaine, des indicateurs de santé et d’école, punir l’abus, dialoguer dans des lieux ouverts, et cesser de confondre les banderoles avec des menaces. Ce n’est pas céder ; c’est gouverner. La presse internationale n’est pas amoureuse de la contestation ; elle aime les résultats vérifiables. La seule manière de « refermer » le sujet est de l’assécher par la preuve.
Voilà, en cent colonnes condensées, la vision que dessinent nos confrères : une jeunesse qui invente une méthode (Discord comme coopérative), porte une plainte non idéologique (soigner, instruire, respirer), s’exprime avec une maturité inhabituelle (« nous ne visons pas les forces de sécurité »), et tombe parfois sur la pierre rude d’un maintien de l’ordre inégal, qu’il faut corriger vite, publiquement, juridiquement. La presse n’a pas pris parti ; elle a pris acte. Et si elle est venue si vite, ce n’est pas parce que le Maroc est une proie ; c’est parce que GenZ212 parle la langue du siècle : l’image claire, la donnée partageable, la cause mesurable. À charge désormais pour le pouvoir, et pour nous tous, d’apprendre cette syntaxe. La dignité n’est pas un slogan ; c’est une comptabilité que rien ne peut étouffer. Les journaux, eux, savent compter. Les citoyens aussi. Reste à l’État d’aligner ses chiffres sur nos vies.
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